Hélicoptère H175 © Airbus Helicopters
Les écoulements d'air autour d'un hélicoptère sont très complexes et fortement turbulents. Le rotor principal, en premier lieu, brasse l'air en tournant et chaque bout de pale produit un tourbillon marginal qui vient interagir avec la pale suivante. Le fuselage et les empennages créent également un sillage aérodynamique, qu'il est possible de minimiser par une conception appropriée. Ce n'est pas le cas pour certains éléments mécaniques comme la tête rotor, un assemblage complexe de biellettes, de plateaux cycliques, d'actionneurs hydrauliques, d'amortisseurs, de guides, de rotules et autres articulations : chacun de ces éléments génère son propre sillage turbulent. Mélangés aux tourbillons de pales, aux décollements sur les lèvres de bord d’attaque de la cheminée et des tuyères, ou encore aux jets en sortie des moteurs, ce brassage complexe se propage vers la queue de l'appareil, éventuellement rabattu par le rotor principal. Or c'est à l'arrière que l'on trouve les gouvernes de direction et les plans stabilisateurs : il est donc nécessaire d'assurer que la turbulence produite par la tête rotor ne perturbe pas l'aérodynamique des empennages, ni n'induit de vibrations ou de bruit.
L'étude du sillage de rotor par simulation reste aujourd'hui un challenge. Le complexe (i.e. non-linéaire) brassage avec les autres écoulements de sillage rend particulièrement difficile la prédiction de la signature spectrale et des amplitudes des sollicitations aérodynamiques sur les éléments arrières impactés. Une telle étude requiert :
une description fine de la production de turbulence, notamment au niveau de la tête rotor, modélisée avec suffisamment de détails géométriques pour être représentative de la réalité,
une très faible dissipation numérique de l'énergie turbulente sur la distance qui sépare la zone de production de la zone d'impact à l'arrière,
la prise en compte de la cinématique complexe du rotor : sa rotation bien sûr, le pas collectif mais on pourrait également ajouter le pas cyclique.
Complexe à mettre en place par des approches CFD classiques de type volume fini, la préparation de la simulation est facilitée dans le cadre des méthodes Boltzmann sur réseau, ou Lattice-Boltzmann (LBM). À la place des équations de Navier-Stokes, l'équation discrète de Boltzmann est résolue pour simuler le comportement de l'air à l'aide d'un schéma de collision-propagation. La résolution s'applique sur un réseau de nœuds, généralement cubique, avec une discrétisation plus ou moins fine des directions de propagation. Un tel réseau est aisé à mettre en place de manière automatique puisqu'il n'est pas tenu de s'appuyer sur les surfaces du corps. C'est d'autant plus pratique lorsque le corps est en mouvement, comme c'est le cas des pales d'hélicoptère.
Andheo utilise le logiciel XFlow, édité par la société espagnole NextLimit acquise tout récemment par Dassault Systèmes.
Simple d'utilisation, son interface graphique est notamment spécifiquement pensée pour gérer les corps en déplacement relatif. Les pièces sont organisées selon une structure en arborescence permettant l'héritage de mouvement, et ces mouvements peuvent être prescrits dans un repère relatif à la pièce. Dans le cas de l'hélicoptère, l'incidence de vol est spécifiée sur le corps principal : le fuselage, et toutes les autres pièces en héritent. La rotation est spécifiée sur le mât rotor uniquement, de même que le tilt. Le pas collectif prescrit sur les manchons se transmet aux pales.
Le niveau de discrétisation du réseau est spécifié sur les pièces, mais également par des régions (pavés, sphères, cylindres) positionnées aux endroits d'intérêt : dans notre cas, la tête rotor et son sillage jusqu'aux empennages. Pour l'hélicoptère H175 d'Airbus Helicopters, objet de l'étude, une discrétisation de 8mm autour de la tête rotor et de 16mm dans le sillage et autour des pales a été utilisée, pour un réseau contenant au global 90 millions de nœuds.
Régions de raffinement du réseau de Lattice autour de l'hélicoptère H175
La turbulence est modélisée par une approche LES (Large Eddy Simulation), basée sur un modèle de viscosité de sous-maille de type WALE (Wall-Adapting Local Eddy). La couche limite est modélisée par une loi de paroi généralisée (unified non-equilibrium wall function).
La simulation, conduite en régime instationnaire, permet à la fois de visualiser le champ aérodynamique moyen sur un tour de rotor (ou un passage de pale), mais également de capter sur vidéo les mouvements tourbillonnaires produits par le rotor.
Ainsi, le tracé de la vorticité met en évidence les petites structures tourbillonnaires produites par la tête rotor et leur propagation vers l'aval. Les tourbillons d'extrémité de pale sont visibles sur les pales avançantes. On observe également des structures plus grosses produites par les jets de tuyère.
Champ instantané de vorticité
Le tracé des lignes de courant permet de matérialiser la direction suivie par les particules d'air autour de l'hélicoptère. Il permet de définir la provenance de l'air léchant les empennages. Couplée à une analyse spectrale, l'étude a mis en évidence le transport du contenu fréquentiel de la turbulence produit par la tête rotor et la cheminée jusqu'aux empennages, non pas par advection car les lignes de courant impactant l'empennage et la dérive proviennent du fuselage et non du rotor, mais par diffusion. Les propriétés de faible dissipation numérique des approches Lattice-Boltzmann sont donc essentielles pour ce type d'analyse.
Lignes de courant léchant les empennages
Les simulations LBM ont permis de comparer l'effet du design de certaines pièces (cheminée, coupole,…) sur l'écoulement d'air des capots de l'hélicoptère, la queue et les empennages.
Lignes de frottement (LIC) sur l'hélicoptère